Handicapé c’est attardé !

La semaine dernière se déroulait la conférence nationale du handicap et suite à cette conférence l’Elysée publiait comme tweet une citation de Jean Cocteau « Il faut passer d’un regard qui dévisage à un regard qui envisage ».

Quelque part je me demande comment est-ce possible que l’on en soit encore là ? Que ce soit une question. Qu’il faille des politiques et des accords pour permettre à des personnes vivant en situation de handicap d’être intégrées dans des entreprises. Qu’il faille des subventions pour susciter un élan, entrainer un changement, faire évoluer les comportements. Mais j’espère bien aussi que pour la plupart des entreprises il n’y a pas besoin de tels accords pour embaucher des personnes en situation de handicap, car à ce jour seulement 10% des entreprises de plus de 20 salariés ont un accord sur ce sujet.

L’archaïsme de notre pays me fait frémir et génère chez moi de l’incompréhension. Du même ordre que ce qui s’exprime dans cette vidéo ci-dessus que j’ai choisie pour illustrer mon propos. Une vidéo réalisée pour promouvoir le Handy’se Trophy, un challenge sportif inter-entreprises qui a pour ambition de changer les regards sur le handicap au sein des entreprises.

Pour ma part, j’ai eu la chance de rencontrer et d’accompagner des enfants en situation de handicap à l’âge de l’adolescence. De cette première rencontre qui m’a profondément touchée, j’ai continué à des moments différents de ma vie à « vivre » avec eux (cf la rencontre de l’autre). Ce qui fait que je sais combien il est apprenant, « riche » et bénéfique d’être avec des personnes différentes qui voient le monde autrement. Même si dans un premier temps cela me demande un effort et un investissement pour apprendre, comprendre, entendre, et être ainsi en mesure d’entrer en relation avec ce qui est à la fois du « même » que moi, à savoir un être humain et de « l’autre », une personnalité singulière.

Mais ne devrions-nous pas faire cet effort avec toutes les personnes avec lesquelles nous sommes en relation ? A croire qu’elles sont comme nous, sous prétexte qu’en apparence elles ne présentent rien de différent, nous pouvons ainsi passer à côté de l’essentiel de ce qu’elles sont réellement. Il faut savoir tout de même que 80% des handicaps ne se voient pas et que finalement nous avons tous, chacun à notre niveau et dans des registres différents, nos propres handicaps c’est à dire nos fragilités et nos incapacités. Que nous avons appris à soigneusement masquer et maquiller (quand cela est possible) par peur d’être rejeté et/ou stigmatisé par une société normée.

La semaine dernière mon amie expliquait à son fils 8 ans atteint du syndrome d’Asperger, en quoi il était différent des autres et les raisons pour lesquelles il rencontrait des difficultés de communication. A cela, son fils lui rétorquait, si justement, « mais maman, nous sommes tous différents non ? »

Je considère le sujet du handicap au sein des entreprises au même titre que le sujet des femmes et des homosexuels. De ces « minorités » trop longtemps reniées, muselées, enfermées dans des rôles et taxées de préjugés. Dans une société ancrée dans une culture judéo-chrétienne et gouvernée depuis des millénaires sur un mode patriarcal où le pouvoir, la conquête, l’action, la puissance, la rentabilité et la perfection selon des normes et des critères socialement reconnus et/ou imposés ont été et sont encore des valeurs dominantes.

Mais lorsque l’on voit l’état de la planète, et le mouvement actuel vers une nouvelle ère (cf la troisième révolution industrielle dont parle Jérémy Rifkin) ce système et ses modes de fonctionnement sont périmés. D’où cette révolution que nous vivons actuellement et qui touche toutes les dimensions qu’elles soient d’ordre économique, politique et sociale. Une révolution qui engendre de profondes mutations anthropologiques. Qui se traduisent d’ailleurs au sein des grandes entreprises par de nouvelles fonctions telles que responsable « diversité » au sein même des directions des ressources humaines.

Car oui il est bien question de « diversité », et pour parler de diversité faut-il encore être en mesure d’accueillir la « singularité ». C’est à dire la différence. Celle qui permet de nourrir la créativité source d’innovation et de transformation dont l’entreprise a fondamentalement besoin pour se développer, se ré-inventer et trouver une certaine pérennité. Voilà les bénéfices réels qui doivent motiver nos changements de comportements si nous voulons éviter de nous scléroser !

Changer de regard sur le handicap c’est être en mesure de sortir de nos cadres de références, changer notre regard sur le monde et l’envisager autrement. En commençant par accueillir notre vulnérabilité c’est à dire notre humanité. Faire tomber les masques et les faux semblants pour fonder nos relations sur l’authenticité et se rencontrer. Se découvrir et se re-découvrir autrement pour co-construire des équilibres différents source de bien être et de croissance pour chacun et pour tous.

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