La rencontre de l’Autre

« Suite rétrospective année sabbatique 2013. Que fait-on d’une année sabbatique ? »

Derrières_les_apparences_sophie_LutzClasse de troisième j’ai 14 ans, et le projet de la classe est d’accompagner des enfants handicapés à Lourdes. Un bébé trisomique et un enfant devenu handicapé à la suite d’une mauvaise chute, avec leur maman qui sont là pour témoigner de ce qui se passe « derrière les apparences ». Ce voyage fut pour moi bouleversant, et en quittant Lourdes je me faisais une promesse, celle de revenir adulte servir les handicapés et les malades.

Je peux vous dire que cette promesse je l’ai bien enfouie, bien profondément même, destination les oubliettes. Mais  » elle »  ne m’a pas oubliée et « elle » s’est rappelée à moi bien des années plus tard. Sans doute alors, y avait-il une place dans ma vie pour lui permettre de rejaillir. Mais j’aurais pu tout simplement remettre un couvercle dessus et ne pas prendre au sérieux ce qu’une jeune fille de 14 ans s’était un jour promis. Malgré toutes mes résistances bien présentes,  j’ai choisi de l’honorer et je suis partie. J’ai signé pour cinq jours en blouse blanche auprès des malades et des handicapés en pèlerinage à Lourdes, ce lieu qui me semblait alors si « ringard » et « désuet ».

Je me suis ainsi retrouvée avec des personnes qui ne parlaient pas la même langue que moi. Et pour moi il y avait deux options possibles : je pouvais simplement prendre soin d’elles, c’est à dire les laver, les habiller, les nourrir, être là à côté ; et/ou je pouvais prendre soin d’elles et chercher aussi à les rencontrer en tant que personne. J’ai plongé et j’ai choisi de les rencontrer. Ce qui plus concrètement consistait à me dépouiller de mes codes habituels et de mes repères pour épouser les leurs et apprendre leur langage. C’était le seul moyen pour être en mesure de découvrir qui se cachait derrière les apparences, qui parfois, il faut bien le dire, me donnaient plutôt envie de m’enfuir.

Mais une fois de plus j’ai été profondément gâtée par ce que la vie m’a donnée. De ces personnes j’ai ô combien appris ce que l’humilité et la vulnérabilité ont de précieux si nous voulons vraiment nous rencontrer et nous aimer. Pas pour combler nos manques ou satisfaire nos envies ou nos désirs mais pour nous « co-naître » c’est à dire « naître ensemble ». Et partager ainsi notre intimité pour nous lier et nous relier.

J’ai compris combien en prenant soin de leur vulnérabilité, de leur handicap et de leur maladie, je prenais soin à travers elles, de mes propres handicaps, de ceux qui ne se voient pas mais qui sont bien là et qui font de moi une femme humaine.

« Derrière les apparences » il y a la rencontre de l’Autre qui me renvoie aussi à cet Autre en moi, celui que je ne vois pas à la lumière du jour ou que je ne veux pas voir, mais qui est bien là dans le secret de mes « nuits ».

« C’est en côtoyant ces personnes que nous grandissons en humanité, que nous développons notre capacité d’accueil de l’autre très différent, que nous affirmons notre sensibilité à ses besoins réels, que nous apprenons à l’écouter avec notre coeur. Au contact des personnes fragiles, notre coeur fait un exercice qui le transforme profondément. » Derrière les apparences – Sophie Lutz

 

Une réflexion sur “La rencontre de l’Autre”

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