Mots pour maux #2

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« Dans la cour de récréation, Pierre subit les moqueries et les bousculades de trois de ses « camarades » de classe depuis plusieurs mois. Il mange moins, dort mal, mais ne dit rien, pensant ainsi pouvoir s’intégrer… Mais il est stressé. Et les conséquences de ce harcèlement sur son développement ainsi que sur sa santé psychique et physique pourraient être graves, comme le suggère une revue de la littérature scientifique publiée par l’équipe de Susannah Tye, de la clinique Mayo à Rochester, et de ses collègues.

Le harcèlement dans l’enfance et à l’adolescence est une forme de stress social chronique pour la victime, qui subit un abus de pouvoir. La « violence » peut être physique (se faire pousser ou taper), verbale (se faire insulter ou intimider), indirecte (se faire manipuler ou exclure d’un groupe), ou encore virtuelle (sur les réseaux sociaux en particulier). Plus de 25 % des jeunes au primaire et au collège rapportent avoir été victime de harcèlement au moins une fois, 10 à 14 % en ayant souffert régulièrement pendant plus de six mois. Les filles sont autant concernées que les garçons, les premières étant davantage victimes d’agressions sociales et relationnelles, les seconds d’agressions physiques et verbales.

Or, en analysant plus de 100 études scientifiques, Susannah Tye et ses collègues ont mis en évidence que les effets psychologiques du harcèlement seraient semblables à ceux de la maltraitance dans l’enfance ou de toute autre forme de stress chronique (…) Extrait de l’article publié dans la revue Cerveau&Psycho « Le harcèlement scolaire a des conséquences durables » par Bénédicte Salthun-Lassalle 4 mai 2017.

« Les victimes de harcèlement subissent un stress intense qui peut avoir des répercutions graves sur leur santé morale et physique. »

 

Mots pour maux

J’ai 12 ans. Je suis en 5ème. Je dérange et je me sens mal aimée. Je suis mal aimée.

Par certains garçons et certaines filles, notamment. Je suis plutôt sur le mode « bonne élève » et peut être que j’en fais trop ? Que je parle trop ?

Ce jour là dans le parc qui fait office de cour de récréation ils m’attendent, cachés. Je suis petite, je ne cours pas assez vite et ils sont plusieurs. Garçons et filles avec leur grosse voix et leur rire gras, ils m’attrapent. Cette fois-ci pour un shampoing aux herbes et aux feuilles mortes. Me voilà dans le bureau de la Directrice, « cafteuse » comme ils disent.

J’attends maintenant les représailles, terrorisée. Le soir même à la sortie du car ils m’attendent. Mais cette fois-ci ils n’ont pas réussi à m’attraper !

« Des enfantillages. Ce n’est pas grave et de toutes les façons c’était pour rire ! »

J’ai arrêté de parler. Ou presque. J’ai appris à dire les bons mots. Ou presque. Et j’ai oublié. Enfin presque. Jusqu’à ce que des années plus tard, la violence trop longtemps enfouie ne resurgisse…

J’ai passé des années à mettre des mots sur mes maux pour retrouver mes mots. Des années pour panser l’âme de la petite fille blessée par la violence des enfants … et des adultes. Et je pensais alors être débarrassée des cours de récréations …qui pour moi étaient l’apanage des enfants et des adolescents.

Comme si d’un coup de baguette magique à 18 ans, désormais adultes, sur le papier, ils devenaient respectueux et bienveillants ! Continuer la lecture de Mots pour maux