Nos chérubins sont à peine nés que la première question qui se pose assez vite consiste à se demander combien de temps ils vont mettre à « faire leurs nuits ».
N’est-ce pas un sujet récurrent qui vient alimenter les conversations après le poids et la taille ? Comme un concours à celui qui fera ses nuits le plus vite possible, pour enfin laisser papa et maman dormir.
Comme une injonction depuis que nous sommes nés, nous devons « faire nos nuits » ! Et ne pas dormir la nuit n’est pas normal. D’ailleurs il n’y a qu’à considérer le pourcentage de la population française qui consomme des somnifères pour achever de s’en convaincre. Lorsque vous voyez votre généraliste, et que vous lui parlez de votre difficulté à dormir, que vous dit-il ? Après 4 ou 5 questions ou peut-être 6, il vous prescrit selon les cas, anxiolytiques et/ou somnifères…voire anti-dépresseurs. Et avec ce cocktail Molotov, bien assommé, vous allez enfin pouvoir dormir !
Il y a maintenant 10 ans, j’ai été malade et j’ai perdu le sommeil. J’ai passé des nuits à pleurer de ne pas réussir à dormir. A être épuisée de ne pas trouver mon sommeil. J’ai eu droit aussi aux anxiolytiques, aux somnifères et aux anti-dépresseurs et j’ai ô combien remercié la science pour l’aide qu’ils m’ont apportée. Et sans doute étaient-ils nécessaires. Puis grâce à la thérapie, j’ai pu arrêter les médicaments. Mais alors j’avais peur, peur de lâcher mes béquilles pour marcher toute seule.
Par la suite, pendant plusieurs années, j’ai été très soucieuse et vigilante quant au respect de mon sommeil et à sa régularité. Angoissée par toute incartade. J’avais tellement peur de le perdre à nouveau. Mais peur de quoi au juste ? Du vide de la nuit ? D’être fatiguée le lendemain ? De me retrouver seule face à moi-même ?
Et puis, pas à pas, j’ai progressivement repris confiance dans ma capacité à trouver ou retrouver le sommeil toute seule. A appréhender mes nuits autrement. A écouter le rythme de mon corps et à lui faire confiance. A accepter ce que je considérais comme des mauvaises nuits, en ayant confiance dans la prochaine pour récupérer.
Jusqu’au jour où je fus réveillée par une voix qui hurlait en moi.
Elle disait « Tais-toi ! ». Alors je l’ai écoutée et j’ai réalisé qu’effectivement je parlais beaucoup, trop, et qu’une part en moi réclamait le silence !
Depuis cette nuit là, la nuit est devenue autre car j’ai compris qu’elle me parle. Que lorsque je n’arrive pas à m’endormir ou lorsque je suis réveillée en pleine nuit soudainement c’est qu’elle a quelque chose à me chuchoter au creux de mon oreille.
Au cours de mes insomnies et dans mes rêves, elle vient me secouer et me dire ce qu’il y a au plus profond de moi. Ce que je n’arrive pas à entendre dans l’agitation du monde et le brouhaha de mes journées. Ce que je ne veux pas écouter.
J’aime désormais me laisser embrasser par son silence et son calme. Dans son enveloppe je me réfugie pour être à l’écoute de mon monde intérieur. Elle est devenue mon amie, j’ai appris à l’aimer, à la regarder, à l’observer. Et je sais aussi qu’elle est là pour me protéger lorsque j’ai besoin de me reposer de la lumière éblouissante ou écrasante de mes journées.
Quand je ne dors pas, c’est qu’elle a des choses à me livrer, là maintenant, sous cette lune qui vient éclairer en moi ce que je ne vois pas à la lumière du jour. Mon ombre.
Devenir amie avec la nuit, une bien jolie proposition, pour aller encore plus loin dans l’écoute de notre monde intérieur. Merci.