Douleur

Demi-deuil1_christelechauchereau
J’ai perdu ma « vieille copine » Florence il y a un mois. Je dis
« vieille » car elle faisait partie de celles que je retrouvais à
chaque fois « comme si nous nous étions quittées la veille » même
après plusieurs années d’éloignement.

Elle aurait eu 40 ans le 22 novembre. Elle s’est battue pendant 2 ans et
demi contre un cancer puis son cœur s’est arrêté.

J’éprouve un grand chagrin, je ressens beaucoup de tristesse. Je sais que sa
mort me renvoie aussi à ma propre mort, à la fragilité de la vie et aussi à Sa
réalité.

Je sens ce combat en moi, entre celle qui « croque » la vie à pleines
dents et celle qui aujourd’hui est dans
la douleur, le repli et avec laquelle « la croqueuse » n’a pas envie
de rester en contact.

Cette épreuve m’invite à visiter ma relation au deuil, ma relation à la
douleur, en utilisant comme grille de lecture les travaux de la psychiatre et
psychologue américaine Elizabeth Kübler-Ross. (Deuil, du latin dolus,dolere « douleur ;souffrir »)

Aujourd’hui j'ai le sentiment de vivre la phase qu’elle qualifie de
« dépression » celle que certains appellent aussi «  la vallée
des larmes
 », cette période de grande tristesse et de repli sur soi…. Et
pourtant je constate aussi ma tendance à me surmener dans l’hyperactivité pour
ne pas ressentir, ce qui ressemble à ce qu’Elizabeth appelle « le marchandage »,
c'est-à-dire « un combat pour ne pas ressentir la douleur et la
recherche d’un compromis avec moi et/ou la réalité ».

A des degrés différents, sur une échelle qui varie en fonction des
situations, j’accompagne en coaching des cadres dirigeants sur ce chemin. En
effet, toute rupture liée à un attachement quel qu’il soit (changement
d’équipe, d’organisation, de poste, perte d’un projet etc…) engendre la douleur
et donc ce processus de deuil. Or, dans l’organisation, je constate que ces
managers n’ont, pour la plupart, pas appris à gérer cette dimension émotionnelle
avec laquelle ils se sentent mal à l’aise. Ils restent bien volontiers dans le
registre de la raison, de la pensée, conditionnés également par
l’environnement de l’entreprise.

Mon rôle consiste alors à leur permettre de faire des ponts entre le
rationnel et l’irrationnel, la raison et les émotions. Prendre contact avec
celles-ci, être en mesure de se connecter à elles pour enfin les accepter et
s’autoriser à les faire VIVRE et être ainsi en mesure d’entendre et de gérer
les émotions
de leurs collaborateurs.

Et pourtant je m’interroge : comment m’est-il possible de les aider à
accueillir leur douleur si j’ai moi-même de la difficulté à rester en contact
avec la mienne ?

MERCI Florence.

Quelle est votre expérience de la douleur, du deuil ?

15 réflexions au sujet de “Douleur”

  1. chère christèle, je suis émue de lire ton billet. pour répondre à ta question de fin, j’ai expérimenté le deuil et son chaos, il y a treize ans… chaos c’est vraiment le mot le plus juste pour exprimer ce que j’ai ressenti. Maintenant cette période fait partie de mes souvenirs, enrobée d’une sorte de ouate, qui me la rend bien plus douce. Ce que j’ai tiré de cette douleur ? Une force inouie que je ne soupçonnais pas ! je t’embrasse.

  2. Merci chère Anna pour ton témoignage. Je me rends compte aussi que l’écriture et la formalisation de ce « chaos » interne m’a permis de reprendre contact avec la sérénité qui est en moi…. Et je me sens déjà bien mieux, davantage ancrée… à bientôt 🙂

  3. Christèle,
    J’ai eu envie d’imprimer votre billet pour le relire à un moment plus propice. L’un de ces moments que je choisi, loin de la blogosphère, pour relire les lignes, les textes qui m’ont touché, interpellé.
    « Accueillir sa douleur » c’est peut-être aussi lui réserver des moments propices, lui donner rendez-vous à des instants choisis, pour prendre soin de cette partie de soi qui est plus fragile que celle qui « croque la vie ».
    C’est aussi cet espace que vous semblez offrir à vos clients.
    Votre partage m’a touché car, aujourd’hui, tout se passe comme si notre douleur devait être cachée aux autres, et aussi… à soi-même ?
    Et, nos modèles pour comprendre ce que nous vivons nous guident et, en même temps, nous enferment, parfois.
    Ainsi la courbe du deuil d’Elizabeth Kübler-Ross laisse penser que notre douleur suit un cheminement linéaire et prévisible.
    Alors que, comme Anna le partage ici, notre vécu est plutôt « chaotique ».
    Il y a sur mieux-etre.org un bel article de Paul-Henri Pion à ce sujet : « C’est le jour des morts… »
    Là encore, une invitation à nous souvenir, à prendre soin de notre chagrin à des moments choisis, « des moments d’intimité, de proximité, de complicité »…
    Lien : http://www.mieux-etre.org/spip.php?article2202
    Merci de votre partage

  4. André, votre mot m’a émue.
    Effectivement, nous sommes conditionnés par notre société pour taire notre douleur et apprendre à ne pas la montrer… Vos mots et ceux d’Anna m’amènent à repenser aux deux derniers très beaux romans que j’ai lu : « Chaos calme » de Sandro Veronesi et « Les Déferlantes » de Claudie Gallay, au travers desquels j’ai ressenti ce chaos…. Calme…qui m’a apaisée.
    L’article de Paul Henri Pion est très beau et m’invite aussi à regarder le « jour des morts » autrement… comme une rencontre avec moi-même, un instant d’intimité, comme vous le dites… et un moment important. Merci André.

  5. Bonsoir Christèle
    Je découvre votre billet en tapant votre nom dans Google..et ne peux m’empêcher de le lire. Vous imaginez bien combien ce billet peut faire écho en moi.
    Moi aussi je me suis posée la même question que vous à savoir comment pouvais-je prétendre à accompagner des managers dans la rencontre des émotions si rester en contact avec les miennes était si douloureux…
    Je voudrais vous faire part de la façon dont je construis chaque jour ma légitimité.Quelques pistes…c’est une conversation qui durerait des heures et que nous nous offrirons peut être un jour ;-)!
    1/ Effectivement , comme le mentionne andré plus haut, je m’autorise à être double, à la fois croqueuse de vie et « intimement triste ». De moins en moins d’intimes partagent mon deuil qui se fait de plus en plus privé mais aussi de plus en plus « régénérant ». Curieusement, ces moments rares aujourd’hui mais où je retrouve ma douleur me permettent chaque fois d’aller plus loin comme s’ils m’avaient simplement reconnectée avec moi-même, ce qui me constitue intrinsèquement, à savoir mon passé, mon expérience et mes émotions.
    2/ Par miroir, le fait de « négocier » avec ses émotions nous rend je pense plus ouvert à comprendre les dilemmes de nos clients et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer pour eux-mêmes laisser venir leurs propres émotions
    3/ Enfin, j’ai eu la preuve depuis maintenant 8 ans que ce type d’épreuve développe considérablement notre intelligence émotionnelle, notre intuition et je me laisse aller à m’en servir très naturellement avec mes clients, le plus souvent à très bon escient
    Le rapport avec la mort nécessiterait un blog à lui tout seul…mais j’ai envie de vous renvoyer une autre question :
    Cette épreuve de la vie a-t-elle développé chez vous une perception autre de l’après-vie quelle qu’elle soit (meta-plan, paradis, réincarnation, ….)?
    Chaleureusement
    Pauline

  6. Ma Chère Christèle,
    Le plus difficile pour moi est de t’avoir retrouvé après toutes ces années et apprendre ainsi la mort de Florence alors que nous avions partagé les bancs de l’école ensemble et que nous avons juste deux semaines d’écart.
    Je parle en fait de retrouvailles de bonnes vieilles copines qui n’auraient jamais imaginé partager des nouvelles si dures.
    En tous cas, là je parle pour moi.
    Ton texte est magnifique.
    N’étant pas coach, je ne saurai te dire ou t’accompagner par quelques références que ce soit si ce n’est te parler de ma propre expérience.
    Et ce que je crois, c’est que la mort fait partie de la vie.
    Nous nous en rendons compte tous les jours mais ne voulons le voir pour nous-même et pourtant, c’est un fait, nous partirons tous un jour et le verbaliser, le visualiser peut peut-être aider à aller eu delà ce de sentiment d’impuissance et d’angoisse ultime.
    Je te dis cela Christèle mais ce ne sont que mes mots à moi.
    Connaissant Florence, je sais qu’elle est là, la foi l’a accompagnée…

  7. Chère Pauline,
    Je vous remercie pour vos mots, votre partage, et je sais combien vous êtes « bien placée » pour témoigner. Effectivement je vous rejoins, je me sens plus humaine, et les autres me regardent davantage ainsi, depuis que j’ai traversé certaines épreuves et fais part de mes doutes, mes tristesses, mes chagrins.
    Rester en contact avec cette douleur c’est aussi être reliée à moi-même et à mon intimité, je le ressens également. Par contre, en bonne extravertie que je suis ;), ma difficulté consiste à ne pas « me perdre de vue », c’est à dire à rester davantage relié avec mon intimité dans mon quotidien… A accepter aussi cette douleur….Un chemin sur lequel j’avance 🙂
    Chère Pauline j’ai toujours cru qu’il y avait autre chose après la mort physique. Je suis intimement persuadée que notre âme devient quelque chose. Quoi ? je n’en sais rien et peu m’importe mais je sais que quelque part, ceux que nous aimons sont là, « dans la pièce à côté » et je vous livre ici ce texte que je trouve magnifique et qui me fait du bien :
     » La mort n’est rien, je suis seulement passé dans la pièce à côté. Je suis moi. Vous êtes vous. Ce que j’étais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné, parlez-moi comme vous l’avez toujours fait. N’employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel ou triste. Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l’a toujours été, sans emphase d’aucune sorte, sans une trace d’ombre. La vie signifie tout ce qu’elle a toujours été. Le fil n’est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de vos pensées, simplement parce que je suis hors de votre vue? Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin. »
    Canon Henry Scott-Holland (1847-1918).
    Chaleureusement, Christèle

  8. Ma chère Sophie,
    Mille mercis pour ce partage, tu ne peux pas savoir comme tu tombes bien. Florence est avec moi ces derniers jours, sans doute parce que je suis davantage connectée avec moi-même.. Ce qui n’a pas été vraiment le cas ces derniers temps et depuis ce billet, j’ai le sentiment d’avoir refermé la boîte !
    Je suis touchée et j’en ai les larmes aux yeux… Effectivement nous nous sommes retrouvées « comme de vieilles copines » alors que Florence venait de partir…. Je pense aussi comme toi que « la mort fait partie de la vie » et je l’accepte bien volontiers,(même si c’est douloureux), lorsqu’il s’agit de ma grand mère alors âgée de 84 ans, et décédée d’une leucémie. Parce que je pense qu’à 84 ans, même si elle était en pleine forme avec une énergie incroyable, et, une femme qui a profondément marquée ma vie, elle a le droit de mourir, elle a vécu ! une très belle vie même ! Mais à 40 ans, cela me révolte toujours… Parce que je n’arrive pas à accepter qu’à 40 ans ce soit la fin sur terre…. Idem lorsqu’il s’agit d’un enfant… Pour moi ce n’est pas dans l’ordre des choses…. Et pourtant c’est aussi la vie…Et je ne dois pas l’oublier… Avec toute mon affection, Christèle

  9. Merci Christèle pour ce très beau texte, juste, digne, émouvant et terriblement poétique.
    C’est exactement le texte que je souhaiterais que mes proches pensent le jour où je ne serais plus.
    Merci pour ce beau cadeau. Chaleureusement Pauline

  10. Ma Christèle,
    Aussi curieux que cela puisse paraître et face au chemin que je prends aujourd’hui, je pense souvent à Florence et je l’entends même rire.
    Florence s’est juste arrêtée un moment, mais elle est toujours là, dans nos coeurs, bien au fond.
    Je comprends bien ta notion de boîte, je vis la même chose en ce moment.
    Non, appréhender la fin de vie, ce n’est pas simple…

  11. Ma chère Sophie,
    Je te remercie pour tes mots. Et c’est drôle car moi aussi en ce moment elle est là, pas loin, juste à côté… Et c’est aussi en ce moment que toi, Pauline, vous venez vers moi sur ce sujet délicat de la mort, du deuil… Et puis je suis heureuse de constater qu’en écrivant ce billet j’ai aussi dédié un espace pour faire vivre Florence… pour faire vivre le deuil qui fait effectivement partie de la vie… et pourtant qui reste tellement tabou, davantage encore, dans l’entreprise… alors qu’il y est tellement présent. Un espace sur ce thème grâce à Florence, qui m’invite à réfléchir, creuser,rester en contact avec ma douleur, avec ma relation vis à vis de la mort, de ma mort et la place que je lui donne dans ma vie…, Et de ce fait, en effet miroir dans mon métier de coach, dans l’accompagnement de mes clients dans les deuils qu’ils traversent…. à suivre….dans un prochain billet… Merci Florence, tu m’inspires 😉 Merci Sophie de la faire vivre.

  12. Chère Christèle
    Je reprends toutes les appréciations concernant votre texte »douleur » et je trouve qu’a l’heure des performances ,de la traversée difficile de rapports
    humains,il faut dire en phrases simples ,par des personnes qui ont une représentation sociale indéniable, le vécu des émotions et du deuil. Il faut accompagner des performances, et il faut aussi comme vous le dites, accompagner le chagrin et les deuils. Bravo et amicalement
    Nadine

  13.  » La mort n’est rien, je suis seulement passé dans la pièce à côté. Je suis moi. Vous êtes vous. Ce que j’étais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné, parlez-moi comme vous l’avez toujours fait. N’employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel ou triste. Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l’a toujours été, sans emphase d’aucune sorte, sans une trace d’ombre. La vie signifie tout ce qu’elle a toujours été. Le fil n’est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de vos pensées, simplement parce que je suis hors de votre vue? Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin. »
    Je me permets de reproduire ici cette citation.
    J’ai perdu Sophie, ma fille cadette, il y a 13 ans… Après toutes ces années la douleur était toujours là !
    Une très belle thérapie narrative m’a appris à vivre sa mort « autrement ». Comme Michael White l’enseigne :
    « rendre l’invisible visible en nous ». Cela n’a pas été un travail facile…
    La douleur s’est atténuée, la souffrance restera !
    Oui, il y a une différence entre les deux !
    Et surtout, je ne veux pas qu’on me parle de travail de deuil… « faire son deuil », c’est oublier l’autre !
    accepter totalement sa mort !
    Ne dit-on pas « j’en fais mon deuil » à propos d’un objet perdu et dont on accepte la disparition ?
    J’arrête là… j’en ai peut être trop dit ! mais quand je pense à Sophie, je me laisse aller……. j’ai tant besoin/envie de parler d’elle, la faire vivre !
    Sophie, vivante, ne serait ce que le temps d’un éclair.
    La toucher, la sentir… qui sait dans un autre monde ?
    dans la pièce à côté ?

  14. Françoise, je vous souhaite la bienvenue sur ce blog et je vous remercie pour votre témoignage et partage. Ce texte de Canon Henry Scott-Holland (1847-1918)est magnifique et il m’accompagne également dans ma façon de rester en contact avec ceux que j’aime et qui ne sont plus là mais « dans la pièce à coté » (vous le retrouverez également dans un message plus haut adressé à Pauline ;). J’entends votre souffrance et je pense que perdre un enfant n’est pas perdre un objet ou changer de manager…. et pourtant on parle de deuil pour l’ensemble de ces changements… faire un travail de deuil signifie pour moi d’être en mesure de trouver des ressources pour accepter l’inacceptable et reprendre goût à la vie. Je pense que l’on ne se remet jamais de la perte d’un enfant, comme vous le dites, on apprend à vivre la mort autrement et depuis ces derniers mois, avec le départ de Florence, j’expérimente ce que Michael White enseigne « rendre l’invisible visible en nous ». Parce que je pense que j’ai enfin accepté de rester en contact avec cette douleur qui prend une autre coloration…Comme vous le dites on oublie jamais et je n’ai pas envie d’oublier… Merci Françoise de faire vivre aussi Sophie, en en parlant, en témoignant…C’est aussi une façon de reprendre contact avec l’énergie présente lors des moments vécus avec ces personnes que l’on a chéri et qui malgré tout, nous manque tant et sont irremplaçables.Chaleureusement, Christèle

  15. Nadine, je vous souhaite la bienvenue sur ce blog et je vous remercie pour votre partage…. Comme vous le dites, accompagner des performances c’est aussi accompagner la douleur car chacun d’entre nous, nous y sommes confrontés un jour ou l’autre. Elle fait partie de la vie…. et l’ignorer serait rester dans le déni… Et un frein pour donner le meilleur de soin… Bien à vous, Christèle

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s