« Avez-vous vécu votre vie ? Ou bien est-ce votre vie qui vous a vécu ? L’avez-vous choisie ? Ou avez-vous été choisie par elle ? L’avez-vous aimée ? Ou la regrettez-vous ? (..). »
« Ces questions… Mais vous en connaissez la réponse ! Non, je n’ai pas choisi ! Non je n’ai pas vécu la vie que j’ai voulue ! J’ai vécu celle que l’on m’a donnée (…). J’ai été enfermé dans ma propre vie. »
« (…) Et c’est là la cause première de votre angoisse (…) Qu’il est terrible de vous entendre dire que vous avez vécu la vie qu’on vous a donnée ! De vous voir affronter la mort sans avoir jamais réclamé votre liberté, si dangereuse fût-elle ! »
« Friedrich, dit-il, toutes ces belles phrases forcent mon admiration et éveillent mon âme. Mais Dieu qu’elles sont éloignées, très éloignées de ma vie ! En quoi réclamer ma liberté pourrait changer le sort qui est le mien ? Comment puis-je être libre ? Je ne suis pas dans la même situation que la vôtre, vous, jeune homme ayant abandonné une carrière universitaire étouffante. Pour moi il est trop tard ! J’ai une famille, des employés, des patients, des étudiants (…). Il est beaucoup trop tard ! Nous pouvons bavarder des heures et des heures durant, certes, mais je ne peux changer ma vie, dont les fils sont trop intimement mêlés à ceux d’autres vies… »
Je vous livre ici un passage du livre de Irvin Yalom intitulé « Et Nietzsche a pleuré ». 1882. L’auteur met en scène une rencontre fictive entre le Docteur Breuer, ancêtre de la psychanalyse, et Nietzsche. Nietzsche a pour rôle d’être le « médecin du désespoir » du Dr Breuer, d’où cet entretien entre les deux hommes.
Ce passage raisonne chez moi à plusieurs niveaux.