Penser notre animalité

« Hommage à Voltaire ! »

Ce sont les philosophes Grecs et surtout Aristote qui a défini l’homme comme « un animal pensant ». Pour le différencier de l’animal. Et sans doute avons-nous vite oublié « animal » pour nous concentrer sur « pensant ». C’est ainsi qu’aujourd’hui, j’ai à coeur de rendre hommage  à Voltaire, celui qui a été pour moi le premier « maître » à me conduire vers ma nature « animale ». Du latin « anima » (Souffle, âme). De ce qui m’anime, me met en vie. 

Pendant plusieurs années j’ai résisté à une demande familiale, avoir un chien. Quelle idée ! J’avais déjà 3 enfants, c’était bien assez non ?! Et puis voilà qu’en changeant de vie professionnelle, de la banque aux relations humaines… J’ai lâché… et Voltaire est arrivé l’année du V ! Un magnifique Golden Retriever aussitôt aimé, à peine nos regards se sont-ils croisés. Et pourtant, pendant de nombreuses années, je n’y voyais que les contraintes, des crottes à ramasser, des gardes à organiser, des dépenses de nourriture et de vétérinaire, des poils partout et des pattes sales à nettoyer…et pour au moins 15 ans ! Bref, ce n’était pas pour moi. D’autant plus que je portais un regard plutôt critique sur les maîtres gâteux de leurs animaux, dont je ne comprenais pas comment ils pouvaient nourrir des sentiments aussi forts à l’égard de leurs bêtes, qui n’étaient pour moi que bêtes ! Et dont je ne supportais pas non plus de marcher sur des trottoirs salis par leurs excréments non ramassés par des maîtres que je jugeais alors tout aussi bêtes que leurs bêtes ! Le chien n’avait pas sa place en ville, le chien n’avait pas de place dans mon foyer, même si à l’époque j’avais un jardin. Et je préférais satisfaire la demande d’animal de mes enfants par des poissons rouges…qui mourraient régulièrement, et dont il était assez facile de se débarrasser en tirant la chasse d’eau !

Mais voilà…il n’y a que les idiotes qui ne changent pas d’avis, pour rester polie, et Voltaire est arrivé pour contrarier mes jugements bien-pensants ! Fraichement entrepreneuse, j’avais du temps à lui consacrer, pour lui apprendre à faire pipi dehors… Il était là pour me tenir compagnie, face à la solitude de ma nouvelle vie d’entrepreneuse, dont je découvrais le difficile d’un agenda vide, d’un téléphone qui ne sonnait plus, et d’une identité professionnelle à ré-inventer. Il était là, lui, alors que je me sentais oubliée par le monde du travail que je venais de quitter, et pour lequel je n’existais plus. Sa présence me faisait du bien. Grâce à ce temps ensemble, nous nous sommes très vite apprivoisés, je rencontrais un nouvel ami avec lequel j’apprenais à vivre…autrement. Très vite je découvrais aussi qu’il était avant tout un animal social qui détestait la solitude. Seul, soit il se laissait mourir sans boire ni manger, soit il allait dérober les chaussettes de mes filles qui trainaient dans leurs chambres, pour les avaler et s’étouffer, si je n’arrivais pas à temps pour les lui ôter au fond du gosier !

Avec lui j’ai appris à lâcher mon besoin de perfection, de propreté, de rangement…Laisser la vie s’exprimer dans une maison habitée par une communauté. Accepter les traces de ses pattes sales sur un sol mouillé qui vient d’être lavé, ses touffes de poils clairsemées partout… Sans passer ma vie à râler l’aspirateur en main… Privilégier « l’être ensemble ».

Grâce aux promenades, il m’a aussi appris à respirer, humer, sentir, aller, venir, et, ralentir…Sans forcément connaître la destination. Voltaire reste une force tranquille et paisible, une présence silencieuse et attentive. Lui seul savait pressentir les moments de désespoir des unes et des autres, accueillir ces larmes qui lavent l’âme, et prêter son corps aux caresses qui consolent et pansent les blessures. Sans jugements, ni conseils. Fidèle compagnon sécurisant il a été le meilleur baby sitter de mes filles…Et chaque fois que je délaissais ma nature animale pour me perdre, il était là pour me ramener à la réalité… En m’emmenant chez le vétérinaire ! En développant un eczéma dans les oreilles comme le mien que je ne soignais pas….ou toute autre maladie m’invitant à prendre soin de lui, et de moi ! Ralentir, respirer, écouter…Pour « être », là maintenant, dans le souffle de l’instant présent.  

Qui de lui, qui de moi était doté de cette capacité à penser, je me le demandais ! De cette intelligence relationnelle et émotionnelle qui se passe de mots, de théories et de concepts, pour se concentrer sur « l’essentiel »  c’est à dire de ce qui appartient à « l’essence » et qui se vit par les « sens », le corps. Ce dont je m’étais coupé, tant guidée par les « il faut ».

Merci Voltaire, tu m’as appris à me taire et ne rien faire ! 

« C’est sous la forme d’émotions que la conscience aurait tout d’abord émergé dans le monde animale (…) Ressentir, vivre mentalement certains états de son corps serait la première manifestation de la conscience dans le monde vivant (…) Nos émotions, nos états affectifs nous parlent de nous dans un langage d’avant les mots, un langage intime qui n’est pleinement accessible qu’à nous-mêmes (…) »  « Ressentir et comprendre » Jean-Claude Ameisen – France Inter « Sur les épaules de Darwin »- 26 Novembre 2016Emission passionnante que je vous recommande d’écouter !

Désormais Voltaire ne vit plus avec nous, mais son animalité reste là, à m’habiter. Et pour continuer à nourrir ma pensée de ce qui m’anime, j’aime aussi régulièrement me replonger dans « Femmes qui courent avec les loups » de Clarissa Pinkola Estès, un hymne à la femme sauvage, dont nous avons chacune et chacun à prendre grand soin.

«  Chaque femme porte en elle une force naturelle riche de dons créateurs, de bons instincts et d’un savoir immémorial. Chaque femme a en elle la Femme Sauvage. Mais la Femme Sauvage, comme la nature sauvage, est victime de la civilisation. La société, la culture la traquent, la capturent, la musellent, afin qu’elle entre dans le moule réducteur des rôles qui lui sont assignés et ne puisse entendre la voix généreuse issue de son âme profonde. »

3 réflexions au sujet de “Penser notre animalité”

  1. Merci Christèle pour ce très bel hommage à Voltaire et à notre animalité. Je cours acheter Femmes qui courent avec les loups.

  2. Au risque d’aimer – des origines animales de l’attachement aux amours humaines – de Claude Béata,
    « un des tout premiers vétérinaires explorateurs de cette terre inconnue où les animaux nous aident à comprendre comment se tisse un attachement » selon Boris Cyrulnik
    Passionnant voyage où l’on découvre que l’attachement n’est pas un choix… à travers les chimpanzés, oiseaux, chiens, éléphants … Passionnant.

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