C’était il y a peut-être 3 ans, peut-être moins, ou peut-être plus, peu importe. Dans mon impasse, devant ma maison. Alors qu’elle marchait sur le pied d’Emilie, ma fille tout juste âgée de 7 ans. Au point de la faire tomber.
Rougie, confuse, sous le regard noir d’Emilie qui menaçait de lui en vouloir à vie, je la rassurais. Et puis nous nous sommes rencontrées davantage au coin d’une rue, d’un marché, d’une promenade. Timidement nous échangions des regards puis un bonjour…pour un jour nous présenter : « moi c’est Yvonne, moi c’est Christèle »… puis nous embrasser.
Yvonne a 80 ans et vit seule avec pour seule compagnie son quartier qui est aussi le mien…et régulièrement elle m’invite à trinquer et à fumer quelques bouffées ! Je ne fume plus mais avec elle je ne peux pas refuser. 😉
Aujourd’hui je choisi de l’inviter dans mon salon de thé préféré pour un déjeuner.
Tandis que j’ai terminé mon assiette de crudités depuis déjà….je la regarde savourer chaque bouchée et me raconter ses folles années ! Ses aventures de petite fille espiègle, de jeune fille audacieuse… Elle prends le temps d’avaler chaque gorgée avec volupté.
Ses grands yeux bleus brillent de mille feux et je peux lire dans chacune de ses belles rides, ces années qu’elle a tant aimées et qui l’animent encore aujourd’hui.
Je m’émerveille de sa façon d’observer, de goûter, de dire bonjour, de dire au revoir à l’hôtesse de ce lieu charmant.
Je l’aime aussi cette belle grand-mère. Son franc-parler car elle n’a plus rien à prouver ni à perdre. Sa façon de regarder l’autre que ce soit le petit garçon qui a oublié d’attacher son lacet, et qu’elle interpelle en douceur ; le chat qui vient de déménager, qui se sent esseulé et qu’elle va caresser ; la petite voisine qui ne peut plus sortir, et à qui elle fera les courses ; mon courrier que si gentiment elle me propose de poster ou d’aller chercher….
…d’une infinie douceur, juste le temps de vivre, de regarder l’autre, de savourer chaque instant comme si c’était le dernier…à distiller chaque jour dans mon quotidien… pour m’aider à marcher sans tomber.
Merci Yvonne pour cet instant de bonheur et…pour tant d’humanité.
Humanité au quotidien près de chez vous, comment cela se passe-t-il ?
L’humanité dans mon quotidien, c’est dans l’immeuble où je vis, sur la place juste en bas, au café où se retrouvent toutes les générations du quartier, une copine qui me laisse un paquet de cigarettes à peine entamé et dédicacé « pour toutes celles qu’elle m’a piquées » et que me donne le patron un soir à l’improviste, c’est la petite grand-mère qui vit seule mais qui sait tout de la vie de la place et qui s’inquiète de ne plus voir ma grande fille ; « elle a déménagé », c’est quand j’offre au voisin, un double de la clé de la porte parce que je n’en ai pas besoin et lui oui… ce sont toutes ces attentions croisées qui font de ce lieu un endroit chaleureux et humain.
Chère Anna merci pour tes mots…je sens aussi qu’il fait bon de vivre près de chez toi…Alors que fut un temps je rêvais d’humanité dans de grands projets et très loin, je sais désormais que c’est au plus près de moi que se vit cette humanité, c’est à dire chaque jour au bout de ma rue, avec le plus proche des mes voisins…ces petits riens qui font que chacun se sent exister et respecter en tant qu’être humain.