Les éléphants roses

C’est l’histoire d’une famille, d’une tribu.

Une tribu un peu spéciale, celle des éléphants roses.

2… 7… 14… 16…21… 37…54…74…

Imaginez un dortoir de lits superposés, dans un beau châlet en vieux bois couleur chocolat accroché à la montagne et enveloppé d’une épaisse couche de neige. Situé en contrebas d’une forêt, nous imaginons alors le loup roder, au point même d’entendre la neige crisser sous ses pas feutrés.

Il est encore tôt mais il fait déjà nuit noire car en ces jours d’hiver la nuit tombe vite. Nous sommes peu rassurés mais tout à coup nous l’entendons. Ses pas lourds font craquer les planches d’une échelle améliorée qui fait office d’escalier. Vite, vite, taisez-vous ! Il arrive ! Cachons nous !

Et nous glissons sous nos couvertures et nos édredons, tout excités.

Comme chaque soir, il démarre ainsi…il était une fois…l’histoire des éléphants roses…

Il est là, debout. Le silence est absolu. Une main dans la poche, l’autre caressant son large front dégarni puis sa barbe d’un jour grisonnante, il fait les cent pas. D’un pas tranquille et assuré. Au milieu de la pièce entre nos lits superposés.

Nous sommes tout ouïe et j’en ai des frissons.

Voyage au bout du monde en mongolfière ou en pédalo, traversées houleuses sur des navires ou sur des radeaux, histoires d’amour, de complicité, d’amitiés…instants de bonheur volés, précipités…aventures aux rebondissements parfois effrayants. Douleur et tristesse. Mais, toujours ils étaient là, ou pas loin, pour s’aimer, se retrouver…et l’histoire n’était jamais achevée. Prête à recommencer le lendemain soir et ainsi nous tenir éveillés…impatients de connaître la suite de l’épopée.

De péripéties en péripéties, un beau jour il a fini par être fatigué et nous quitter. Pour passer de l’autre côté et continuer à nous veiller…laissant derrière lui des éléphants roses tristes mais soudés par l’histoire d’une tribu qu’il a su créer, inventer et renouveler.

Pour fêter et trinquer la tribu aime se retrouver. Désormais à plus de 70 pour continuer de s’amuser et faire vivre ce qu’il a semé. Les petits sont devenus grands, les grands sont un peu plus grands, de nouveaux petits sont arrivés et nous en attendons d’autres…certains se sont parfois égarés mais d’autres nous avons retrouvés.

Ces histoires, qu’il aimait tant nous conter, ce sont les nôtres. Celles de nos vies et de nos traversées.

Et je comprends désormais, après toutes ces années, ce qu’il a voulu ainsi partager et au plus profond de mon coeur planter. La graine de la famille. De l’amour et de l’amitié. De ces liens tissés qui, quoiqu’il advienne, restent pour toujours profondément enracinés.

5 réflexions au sujet de “Les éléphants roses”

  1. Merci Chris,
    C’est une histoire qui me touche particulièrement. Pas seulement pour l’avoir vécue mais aussi parce qu’elle nous rappelle à quel point la poésie et les rêves peuvent nous réunir. Les Éléphants roses ont été un mythe fondateur de notre famille. Viendra le jour où il nous faudra inventer d’autres créatures mythiques.
    Ben

  2. De tous, tu es l’aînée, celle que finalement je connaissais peu. Merci de m’avoir fais revivre un souvenir d’enfant… Les escaliers sont toujours là, les lits superposés aussi. D’autres petites têtes blondes y rêvent désormais… A quand le faire découvrir à tes filles? En attendant merci pour ces mots, ces petites tranches de vie. J’ai parcouru ton blog avec émotion. J’ai l’impression de découvrir ma cousine… Je t’embrasse.
    Perrine

  3. Merci ma soeur pour ce moment intense et profond que tu nous fais vivre en ce lundi matin… Cela m’a fait sourire car j’avais vraiment l’impression de revivre ces belles soirées !!! Des souvenirs que nous gardons tous bien au chaud dans notre coeur et qui dans les moments plus difficiles nous redonnent encore plus de vie…
    Je t’embrasse fort ma soeur. Fanélie

  4. @Perrine, je suis très touchée par ta visite et tes mots. Peut-être que jusqu’à présent j’ai préféré garder intact mes images de petite fille, point prête à redécouvrir autrement le châlet de mes souvenirs…raison pour laquelle je ne suis pas revenue…avec le temps qui passe un jour sûrement je viendrai gravir à nouveau l’escalier dont les craquements ont bercé une grande partie de ma vie…accompagnée de mes filles.

    @Soeurette, je suis émue de te lire ici. Merci. Pour ta visite et pour tes tendres mots. Nous retrouver autour des contes qui ont été fondateurs de notre vie de famille…de ces liens qui sont là même si parfois il est difficile de se dire, de se comprendre.

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